Le haut fonctionnaire Marc Mortureux a quitté précipitamment la DGPR et travaille maintenant dans le secteur automobile. D’où un risque de conflit d’intérêts avec ses fonctions passées, notamment sur la question des véhicules hors d’usage (VHU) et des plastiques bromés.
Marc Mortureux, directeur général général de la prévention des risques (DGPR) au ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES), a quitté son poste le 1er mars dernier — « sur sa demande », précise le Journal officiel. Il a pris la direction générale de la Plate-forme de la filière automobile (PFA), une organisation au statut d’association, présidée par l’ex-ministre (Les Républicains) Luc Chatel et qui fédère, via d’autres organisations (CCFA, FIEV, fédérations de métiers…), les 4 000 entreprises du secteur (voir le site Internet de la PFA).
Marc Mortureux était à la tête de la DGPR depuis fin décembre 2015, soit un peu plus de 2 ans. Il avait été nommé suite au débarquement brutal — pour des raisons à ce jour non publiques — de Patricia Blanc (voir Déchets Infos n° 83).
Le départ du DGPR, quoique volontaire, apparaît en tout cas précipité. 15 jours avant, le 14 février, Marc Mortureux était nommé par décret représentant de l’Etat au conseil d’administration de l’Ademe, signe que le cabinet du ministre Nicolas Hulot ne s’attendait pas à cette défection (voir le Journal officiel du 15 février).
En outre, Marc Mortureux quitte la DGPR quelques jours avant la publication de la feuille de route pour l’économie circulaire, annoncée pour ce mois de mars. Un timing surprenant et qui ne paraît pas témoigner d’un attachement démesuré de l’intéressé à ses anciennes fonctions.
Par ailleurs, le point de chute de Marc Mortureux ne laisse pas d’interroger. Outre que la PFA ne fait pas vraiment figure d’organisation écologiste ou environnementale, les fonctions qu’y occupe désormais Marc Mortureux risquent de le placer en conflit d’intérêts avec ses fonctions précédentes. En effet, la DGPR a pour mission notamment d’élaborer et de mettre en œuvre la politique de surveillance de la pollution atmosphérique et celle de prévention et de gestion des déchets, deux sujets qui ne sont pas sans lien avec l’industrie automobile (voir le décret qui fixe notamment les attributions de la DGPR). Le traitement des véhicules hors d’usage (VHU), en particulier, génère des résidus de broyage automobiles (RBA) dont une bonne part sont chargés en plastiques contenant des retardateurs de flamme bromés (RFB). Certains RFB ont été déclarés polluants organiques persistants (POP) par la Convention de Stockholm et un règlement européen. Depuis décembre 2014, le tri des déchets qui en contiennent est donc obligatoire, pour qu’ils soient éliminés de manière adaptée, par incinération en tant que déchets dangereux (voir Déchets Infos n° 102). Or à ce jour, rien ou presque n’est fait dans ce domaine. Les RBA ne font pas l’objet d’un tri pour extraire les plastiques bromés. Ils continuent donc d’être soit recyclés pour ceux qui le peuvent, soit mis en décharge — des modes de traitement interdits pour les déchets contenant plus de 0,1 % de RFB POP. Et qui a laissé faire cela ? Les pouvoirs publics, dont la DGPR, en charge du dossier…
En principe, quand un haut fonctionnaire veut travailler dans le secteur privé, une « commission de déontologie de la fonction publique » doit donner son avis et vérifier qu’il n’y a pas conflit d’intérêts entre les fonctions de l’intéressée dans l’administration et celles qu’il souhaite occuper dans le privé.
En l’occurrence, on ne sait pas si la commission a été sollicitée et, si elle l’a été, quel a été son avis. Le cabinet de Nicolas Hulot, sollicité par Déchets Infos, ne nous a pas répondu sur ce point, se bornant à indiquer que le/la remplaçant(e) de Marc Mortureux n’est pas encore connu.
Article paru dans Déchets Infos n° 133.