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Tara Océan accumule les erreurs sur le tri des emballages et sur la consigne

Contrairement à ce qu’affirme le porte-parole de Tara Océan, aujourd’hui, 38 % des Français sont passés à l’extension des consignes de tri des plastiques, et selon Citeo, 58 % des bouteilles et flacons plastiques sont recyclés.

(mis à jour lundi 2 décembre à 12h50)

Le porte-parole de la Fondation Tara Océan, Henri Bourgeois Costa, interviewé récemment par Ouest France (interview téléchargeable ici dans sa version initiale), a accumulé les erreurs factuelles concernant le tri des déchets et le projet de consigne pour recyclage porté par Brune Poirson.

Une partie du texte de l’interview a été modifiée lundi matin (visible ici), après l’envoi de notre réaction à Ouest France — réaction que le quotidien publie aussi en partie, sous l’interview.  Cependant, la version initiale de l’interview est restée en ligne de vendredi matin (jour de parution) à lundi matin, et a été diffusée aussi dans la version imprimée d’Ouest France (plus grand quotidien français par sa diffusion).

Nous reproduisons ci-dessous le texte que nous avions envoyé à Ouest France.


La plus grave erreur d’Henri Bourgeois Costa est contenue dans ce passage (modifié dans la version du texte mise en ligne lundi midi) :

<<Ce n’est pas parce qu’on trie qu’on recycle. C’est très grave. On envoie un message au citoyen qui est : « Faites des efforts et ne vous occupez pas de ce qui se passe derrière. On enverra peut-être en incinérateur ». Rappelons que sur le plastique (PET) de la bouteille d’eau, la moitié va en décharge ou en incinérateur. C’est gigantesque, pour un déchet qu’on collecte depuis plus de 20 ans. Pourquoi les jeunes ne trient-ils pas ? Parce qu’ils n’ont pas confiance en ce système.>>

M. Bourgeois Costa laissait ainsi très clairement entendre que la moitié des bouteilles d’eau en plastique triées iraient en décharge ou en incinérateur.

C’est faux à plus d’un titre.

D’une part, sur la totalité des bouteilles et flacons en plastiques mis sur le marché, 56,7 % (donc plus de la moitié) étaient déjà recyclés en 2017, selon l’Ademe (voir le tableau de bord « Emballages ménagers », page 19). Selon Citeo, ce taux est passé à 58 % en 2018.

Par ailleurs, sur la totalité des bouteilles et flacons triés par les habitants, la totalité part en usine recyclage, et seule une petite partie n’est finalement pas recyclée (aucun procédé de recyclage n’est efficace à 100 %).

L’information importante, que le porte-parole de Tara Océan omet donc de transmettre, c’est que toutes les bouteilles et tous les flacons en plastiques triés sont envoyés en usine de recyclage. Idem pour les autres matériaux (acier, aluminium, papiers et cartons).

En fait, M. Bourgeois Costa fait une confusion entre les bouteilles et flacons d’une part, et les plastiques concernés par ce qu’on appelle « l’extension des consignes de tri des emballages plastiques » (encore appelée « extension ») d’autre part.

Les plastiques concernés par l’extension (barquettes, pots, « films », plastiques complexes…), quand ils sont triés par les habitants, ne sont effectivement pas tous recyclés, car pour certains d’entre eux (notamment les plastiques complexes), il n’existe pas encore de filière de recyclage. Ces filières devraient être créées progressivement (certaines l’ont déjà été), au fur et à mesure que les tonnages ainsi triés augmenteront. Il a été fait le choix de procéder ainsi, car si on ne commence pas à trier, on n’a jamais les tonnages triés suffisants pour que des industriels investissent dans les unités de recyclage.

Mais pour les bouteilles et flacons, les filières existent depuis longtemps. Donc quand une bouteille ou un flacon est trié, on n’a aucune difficulté à la/le recycler.

Enfin, les plastiques de « l’extension » qui sont triés mais pas recyclés ne sont jamais mis en décharge. Ils sont valorisés sous forme d’énergie, généralement dans des cimenteries. C’est moins bien que le recyclage, mais beaucoup mieux que la décharge.


Henri Bourgeois Costa affirme par ailleurs :

<<Quand vous mettez votre bouteille dans votre poubelle jaune, elle est mélangée à d’autres types de déchets. Elle est souillée et dans quasiment aucun cas en mesure d’être recyclée pour un usage alimentaire. On ne peut pas en refaire de la bouteille d’eau. Il y a un vrai enjeu de pouvoir faire du « recyclage ++», avec du « bottle to bottle ».>>

C’est également faux. Le recyclage « bottle to bottle », y compris pour les bouteilles d’eau, existe depuis au moins 20 ans, par exemple à Beaune chez une société aujourd’hui appelée Infineo, propriété de Coca-Cola (voir ici), et depuis 2008 chez la société Nord Pal Plast.

Pour quelqu’un qui se dit « expert en économie circulaire », M. Bourgeois Costa, porte-parole de Tara Océan, semble ne pas disposer de toutes les informations concernant ce secteur…


Henri Bourgeois Costa affirme, à propos de l’extension des consignes de tri des plastiques à tous les emballages :

<<Aujourd’hui, on nous dit qu’il y aura peut-être un tiers de la France qui serait prêt pour 2021.>>

(Lundi matin, Ouest France a précisé : « un tiers en surface »…)

C’est faux. Selon Citeo, 25 millions d’habitants sont déjà passés à l’extension des consignes de tri, ce qui représente 38 % de la population couverte par la collecte sélective des emballages ménagers (voir ici).


Le porte-parole de Tara Océan affirme à propos de la consigne :

<<Cela ne coûtera […] pas plus cher aux Français.>>

C’est faux. Selon le Collectif Boissons, qui regroupe les entreprises favorables à la consigne (notamment Coca-Cola, Danone et Nestlé Waters), la consigne pour recyclage, si elle était mise en place, coûterait plus d’un milliard d’euros à sa mise en place, et 599 millions d’euros par an de fonctionnement ensuite (transport, entretien des machines de déconsignation…). Sur ces 599 M€, 250 M€ seraient financés via les sommes gardées par les organisateurs de la consigne, parce qu’une partie des bouteilles ou canettes n’auront pas été ramenées. D’une manière ou d’une autre, ces 250 M€ seraient donc bien payés par les Français.

Le reste serait en partie financé par les metteurs en marché (les vendeurs de boissons en bouteilles ou canettes) qui, d’une manière ou d’une autre, le répercuteraient sur leurs prix de vente (on les voit mal prendre de telles sommes sur leurs marges et/ou sur les dividendes versés à leurs actionnaires…).

Si la consigne mise en place était la consigne dite « mixte » (recyclage pour les bouteilles plastiques, et réutilisation pour les bouteilles en verre), le coût annuel de fonctionnement tournerait autour d’un milliard d’euros par an. Il faut une certaine dose de naïveté pour s’imaginer que rien, sur ce coût, ne serait répercuté, d’une manière ou d’une autre, sur les consommateurs et/ou les contribuables (qui sont les mêmes personnes).

Enfin, sur cet aspect des coûts, il faut savoir que le budget actuel annuel de Citeo pour financer la collecte sélective et le recyclage de tous les déchets d’emballages ménagers est de plus de 650 M€/an pour 5 millions de tonnes d’emballages par an. A comparer avec les au moins 599 M€ que coûterait la consigne, pour collecter, en plus de ce qui se fait actuellement, environ 30 000 tonnes/an de bouteilles en plastique…


Dernier point, le porte-parole de Tara Océan affirme, à propos des élus :

<<Leur inquiétude est que les centres de tri une fois modernisés ne soient plus rentables, parce qu’on enlève les bouteilles plastiques.>>

(Passage modifié dans la version de lundi midi : l’inquiétude des maires serait qu’« on mette en péril l’équilibre financier des centres de tri qu’ils auront modernisés »…)

C’est faux. Les centres de tri ne sont jamais « rentables » (ils ne rapportent pas d’argent aux collectivités locales).

Les centres de tri représentent toujours un coût. La vente de tous les matériaux triés (plastique et autres) permet d’atténuer ce coût, mais en aucune manière elle ne permet de financer l’ensemble des coûts du centre de tri et ceux de la collecte sélective.

Article paru dans Déchets Infos n° 173.


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